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(R)éparer le ciel

Marie-Luce Nadal
du mercredi 24 juin au samedi 11 juillet 2020

Collation en présence de l'artiste vendredi 10 juillet de 17h30 à 19h30,
Galerie S35

Galerie Faure Beaulieu
65, rue Notre Dame de Nazareth 75003 Paris

Galerie S35
35, rue du Faubourg Saint-Denis 75010 Paris

du mardi au samedi de 14h à 19h30 (et sur rdv)
« Mon rêve, à moi, je veux le voir dans la mêlée,je veux qu’il soit réel, je veux qu’il soit armé ! » Lauro de Bosis, Icare (1927)

Les œuvres de Marie-Luce Nadal sont les indices d’un récit mythique qu’elle invente et déroule au gré de ses interventions, de ses expositions ou de ses performances. Aux sources de son travail se mêlent spontanément l’histoire intime et familiale, les recherches scientifiques, les savoirs agricoles et paysans, les croyances ancestrales et la pratique artistique contemporaine. Marie-Luce Nadal se donne les moyens de recréer un monde, des mondes, pour mieux comprendre et habiter le nôtre. Défi énergique et vital – parfois dangereux !

Artiste-chercheuse, artiste-ingénieure, architecte et scénographe de formation, elle travaille depuis plus de dix ans au contact de scientifiques, faisant de leurs laboratoires son atelier. Ses inventions convoquent les éléments, usent de mécanique, jouent des forces physiques. Ses machines sont des tentatives de maîtrise et d’appropriation des phénomènes naturels. « Chaque production est une nouvelle expérimentation pour tenter de comprendre d’une façon sensible notre rapport à l’atmosphère » explique-t-elle. Ses recherches disent l’obsession humaine et millénaire de se mesurer à la nature et de la contrôler. Dans les années 1960 Yves Klein avait imaginé une Architecture de l’air, Olafur Eliasson a plus récemment réalisé le Weather project (un soleil artificiel hissé à trente-cinq mètres de hauteur démultiplié par un jeu de miroirs dans le hall de la Tate Modern à Londres). Autre fille de Dédale, Marie-Luce Nadal s’applique par son art à soumettre la nature à ses propres lois.

« J’envisage ce concept, l’atmosphère, comme une structure spatiale de référence assurant une forme d’immunité à tout être humain et exerçant sur lui réciproquement une action. » Issue d’une famille de vignerons catalans, l’artiste a tôt appris à composer avec les aléas de la nature et les phénomènes météorologiques. Elle exprime ici ce qui irrigue son travail, le dialogue incessant avec le ciel, son attrait comme sa dangerosité. Ses œuvres sont des instruments pour la rêverie, des armes pour se parer contre l’inquiétude de l’être au monde autant que pour la dire.

Marie-Luce Nadal a ainsi créé une Arbalète Madeleine faite d’acier et de fils de soutiens-gorge, munie d’iodure d’argent pour Faire pleurer les nuages (2015). Elle a conçu un Extracteur de foudre portatif (fouettant l’air, son utilisateur peut en capter la charge électrique) afin de récolter des coups de foudre, chargés dans les munitions qui arment l’AF21 (2018), un fusil équipé d’un viseur en forme de miroir pour s’administrer un coup de foudre, avaler une dose d’énergie ciel-air. En costume d’escrime, parée de son Masque de la divinité de la brume (2017), elle s’expose en guerrière, héroïne d’un nouveau récit, celui du détournement poétique de la science et de la réappropriation par les femmes de la culture masculine de la terre.

Des gestes, des performances, des protocoles, les œuvres qui nous restent sont des objets usuels, des outils, des inventions dont nous pouvons nous emparer. La Fabrique du vaporeux (2014) est une machine à capturer les nuages, un laboratoire ambulant qui permet d’effectuer des prélèvements « d’essences pures de nuages » à travers le monde afin de les fabriquer, à volonté. Ils sont conservés dans des Eoloria (2015), aquariums à nuages et paysages oniriques, micro-territoires dont elle nous propose de devenir les chanceux propriétaires.

Fantasmes démiurgiques ou exemples de « modèles réduits » du monde, selon le mot de Claude Levi-Strauss (La pensée sauvage, 1962), pour accéder à la connaissance du réel ? Les œuvres de Marie-Luce Nadal tissent peu à peu une fiction singulière, avec son propre vocabulaire – qui joint l’ivresse du vin au vertige du ciel dans le V(a)in des Grâces à l’usage de tous ceux qui cherchent à se saisir de ce qui ne s’attrape pas (2016) –, avec son réseau de signes et d’objets. Un chant qui pourrait être celui, grisant, des Pink Floyd pour Obscured by clouds.

Armance Léger
Galerie Faure Beaulieu I Expositions
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