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Né en 1992, Thomas Van Reghem vit et travaille à Bruxelles en Belgique


Donner vie à la mémoire et à l’oubli
 

“Mettre sur une toile ce que l’on voit, c’est bien. Peindre ce que l’on a gardé dans la mémoire c’est encore mieux. C’est une métamorphose de ce qu’on a gardé dans sa mémoire »[1].


Brian O’Doherty
 

Thomas Van Reghem, diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de Paris, est un jeune artiste qui a très tôt développé, un intérêt pour la sculpture et comment elle questionne les relations de notre existence sociale. Il a aussi fréquenté durant cinq ans l’atelier d’Emanuel Saulnier, L’élève se rapproche du maître, il interroge le monde qui l’entoure et la constante nécessité de créer pour exister. Son intérêt pour l’histoire, la géopolitique et surtout la littérature font de lui un artiste nomade en quête d’un terrain à modeler. Il cherche à se réapproprier le monde sensible et à lutter contre l’impuissance de l’esprit à corréler tout ce dont il est témoin. Marqué par la dualité et conscient de la perte, il se veut un passeur, un bâtisseur acharné opposé à la destruction. Il fouille les décombres par le choix de ses matériaux et s’implique avec rigueur dans son rôle de collecte fragmentaire de terre, de pépites de la connaissance (la feuille d’or si chère à l’artiste), de cendres, de carcasses, de verre, de débris, de restes, de fugaces trouvailles.


Re-enchanter les ruines 

Son travail artistique est très proche de celui d’un ethnologue-poète. Nourri par de nombreuses lectures, l’artiste s’évade des pages pour sillonner le monde, surtout les pays de l’ex-bloc soviétique.

Ses résidences sont nombreuses et depuis 2014, il voyage compulsivement comme pour trouver dans les paysages le corps d’un monde en mutation et des pierres parlantes. Dans la lignée d’un Kant, d’un Novalis, d’Heidegger encore d’Edmund Burke, Thomas Van Reghen cherche à rendre compte de la mutation de l’artiste au contact des paysages et des personnes rencontrées ici et là. Il transforme ces moments en matière à création comme dans sa performance "Enlisement de l’incendie" réalisée en 2017 à Kramatorsk au Donbass lors de son troisième séjour. L’artiste met en scène son corps au milieu de la neige dans un lieu dévotement choisi. Il s’y campe pour prendre connaissance de chaque élément ; pierres, feuilles, animaux. Dans son champ de vision, cette nature opaline et désertique où il est temps de verser la cire des bougies et d’allumer le feu pour  les fantômes sur la neige immaculée et silencieuse des steppes. Dans un rituel précis, quasi chamanique, par des gestes performatifs,  l’artiste ne chercherait-il pas, dans un combat intérieur, à rallumer la flamme du sacré dans des lieux voués à l’obscurité ? Le sacré se dégage déjà dans Un baiser pour les morts et un baiser pour les vivants de 2015, une installation sonore de litanies liturgiques, faisant écho au travail sur le la mémoire et les rencontres de l’homme, des morts et des icones à Belgrade.


Depuis la révolution de Maidan en 2014 et son premier voyage en mars 2016, d’autres performances font allusion à l’histoire de l’Ukraine, comme, par exemple, Dialogue entre les nuages et le vent Russe filmé avec l’artiste biélorusse Julia Pavlovskaya. Cette forme de vidéo-art documentaire, proche de Andreï Tarkovski, filmé en cinq moments différents et en plusieurs endroits symboliques de Kiev à Pripiat et à Tchernobyl, montre l’entre-deux de la guerre, des cultures, de la zone limite fragile à laquelle l’artiste a été confronté.


Dans toute son œuvre, l’artiste travaille sur la perte, et ses créations sont propices à la méditation sur la vie et la mort dans une tonalité allégorique qui replace l’artiste au centre d’une réflexion politique. Laisser des empreintes contre l’oubli, fixer les instants poétiques qu’il étaye par son vécu et sa sensibilité. Il s’efforce dans toute son œuvre, depuis 2016, de réveiller des souvenirs. Il s’agit de montrer l’impact des lieux et l’attachement que le créateur leur porte dans sa construction poétique. Pour cet artiste passeur de frontières, né de l’autre côté de Paris, en Seine Saint Denis, tout n’est que zone de transition et il le fait sentir dans une approche frôlant la spiritualité ancestrale. Il déploie toutes les facettes de ce vent russe métaphore de l’invisible. Ce vent-là est-il saisi comme une limite, telle une géographie, ou bien comme un passage ? Trouver des réponses est devenu un hymne de son parcours exalté. Toutes ses œuvres portent les stigmates d’une ligne frontalière.

Citons encore les œuvres de 2016, Concentrés et Eparpillés  réalisées avec de faux passeports brûlés sur des plaques de verre, plomb et métal. L’artiste a franchi la limite du légal en fabriquant de faux passeports pour rendre hommage aux âmes errantes de la mer Baltique. Ici « où l’on s’aventure sans carte géographique ni passeport d’aucune espèce »[2] pour rappeler l’ethnologue Michel Leiris, tout terrain est une zone faite de révélations. L’artiste exige de son public une implication et un réveil de conscience pour bousculer notre ère. Son récent travail Clés d’un potentiel refuge détruit à Beyrouth, en réalisation depuis 2013, juxtapose des clés, du béton, des clous et des cheveux. L’artiste propose une nouvelle cartographie sensorielle et place l’humain et son histoire tragique, au carrefour de frontières et de déambulations. Gageons que cette œuvre est en perpétuelle quête de la connaissance et de l’inconcevable. En effet, voilà bien une pièce marquée par un parcours foisonnant de questionnements, fruit d’une démarche qui vise à appréhender le monde dans sa globalité. Lors de ses résidences, l’artiste s’empare de l’histoire des lieux, il interagit in situ avec les matériaux qui se présentent à lui. Tout est réceptacle pour accueillir les zones d’ombre de l’Homme face à lui-même.


Donner vie à la mémoire et à l’oubli

Dans sa quête d’artiste habité par une sensibilité de poète, il initie un dialogue avec les œuvres, établissant ainsi un métadiscours qui l’oblige à pratiquer un certain nombre de digressions qu’il n’a de cesse d’emprunter à différents champs où se mêlent des disciplines disparates et des intérêts transversaux comme la poésie. Dans un autre registre, très limpide, lumineux et puissant, l’œuvre Faded Halo de 2016 faite des cendres de poèmes écrits par l’artiste et brûlés sur la place Maidan, en souvenir des barricades enflammées, se veut comme un cri à lire. Sommes-nous face à un poète travesti en sculpteur pour mieux tester les limites de sa poésie et les dépasser en donnant corps au texte ? Pour Thomas Van Reghen le mot est un être en liberté, un ange verbal prêt à crier et à briser la force du verre. Laisser des empreintes sur le verre comme une sorte d’apparition d’un coin d’un monde mystérieux semble être une approche privilégiée de l’artiste dans plusieurs de ses œuvres. Il fixe toute forme de matière à son cercle de verre, ces grands disques translucides sur lesquels il fixe la terre, le fer, les mots. Il est question de détruire et de recomposer un puzzle impossible, un puzzle dont les pièces ont été perdues et il a fallu altérer celles qui sont restés. Comme dans l’œuvre la nuit calcinée et le vent brûlant  se levant à l’Est de 2017 où la terre de grès d’Ukraine composé avec des lignes de laiton qui rappellent les ailes des anges. Inspirées par des contes, des légendes et les icones, ses œuvres illuminent le regard. Les anges hantent l’artiste dans ses récentes créations comme dans Uriel, où une suie de cierges du Dombas, des traces d’aile d’oiseaux, du verre et du métal sont la confirmation que pour lui que la matière respire, vit, sue, pleure, saigne. Finalement, la géographie humaine n’est plus qu’une cartographie corporelle.


Les paysages, la terre, les récits de vie sont une inspiration génésiaque, un lieu de rencontre entre l’artiste et les éléments du sacré. Dans une ligne tellurique, Thomas Van Reghen est capable de s’unir à la terre pour pouvoir opérer sa propre transcendance et vivre le sacré caché. Il s’adonne à sculpteur, à briser, à calciner, à bruler la matière, afin de tisser ce qu’Edouard Glissant appelle « une poétique de la relation, selon laquelle toute identité s’étend au rapport à l’autre »[3]. Explorer la caverne allégorique, c’est bien la mission que s’est donné cet artiste audacieux.
 

Egídia Souto, Maître de conférences, Université de la Sorbonne-Nouvelle, Paris 3.

[1] Brian O’Doherty, The Voice and Myth, Nova Iorque, 1973, p.22.

[2] Michel Leiris, « De Bataille l’impossible à l’impossible” “Documents” », Critique, nº195-196,  aout-septembre 1963, p. 688.

[3] Édouard Glissant, Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1996, p. 23.

 

Révélé lors de l’exposition « Le Samovar » à Malakoff en 2012, Thomas Van Reghem présente une œuvre d’une grande maturité, n’hésitant pas à utiliser des techniques très diverses pour exprimer au mieux son propos (installations visuelles et sonores, photographies, dessins, vidéos, etc).


« Thomas Van Reghem expérimente l’inconnu possible, luttant contre l’opacité du monde matériel et humain. S’exprimant dans des sites abandonnés, il récupère des matériaux, les détourne tout en leur donnant leur sens premier. Son esthétique japonaise, où simplicité et complexité ne font plus qu’un, traite l’ombre et de la lumière intérieure, celle de notre condition. « Comme au cinéma, j’opère un lien analogique à ma réflexion sur des sujets d’apparence banale, mais aux répercussions dramatiques. »  

D’après France Ouest pour l’exposition avec Bernard Bouin au Chateau de Beaumanoir en 2015).

Guerre, crise grecque, naissance, mort, son travail est « Hulaos », ce mot grecque qui signifie à la fois paume de la main et transparence, celle que les économistes appellent « plafond de verre », où la richesse visible est inaccessible.

La condition humaine et ses fatuités sont l’objet cette réflexion.

Formations

A étudié un semestre àla Kuvataïdeakatemia d’Helsinki
2012-2016 Etudiant à l’Ecole Supérieure Nationnale des Beaux Arts de Paris
2011-2012 Ecole de préparation aux écoles d’art, Prep’art
2008-2010 Formations styliste modéliste à l’institut Bischoffeim de Bruxelles

 

Expositions personnelles

2020   Beyrouth, la stratification du terrier, Galerie Faure Beaulieu, France
2019   Rompre avec le ciel, Galerie Faure Beaulieu, Paris, France

2018   Lignes aveugles, No Mad Galerie, Paris, France
2018   Le feu et le recit, Bruxelles, Belgique

2017  Remonter les traces du vent Russe. De Kiev au Donbass Ukrainien. No Mad Galerie
2015    Le Marché Noir, Malakoff
2012  Quand l’Homme et la matière ne font qu’un, Le samovar,
Malakoff, France.


Expositions Collectives


2021   Bordures/Failles Galerie de la Ferronnerie, Paris, France
2019   Chronotopia, Galerie Mondapart, Boulogne, France
2019   Reflet d’une longue rayure, Art Brussels Off, Koekelberg, Burxelles, Belgique
2019   Shifting foundations, Hectolitres, Bruxelles, Belgique
2018   In Beirut, La maréchalerie, Versailles, France
2018   Sessions #7 Tandem , Galerie Bertrand Grimont, Paris, France
2017  Conversation, avec l’artiste James Brooks, curateur Jean Phillipe Vernes, Galerie Narrative Project, Londres, Angleterre
2017   Free art space, Helsinki, Finlande
2017   OLA KALA tout va bien, Centre d’art contemporain de Saint Ristitut (26130), France
2016   Influorescence, No Mad Galerie, Paris
2015   Ruins of sound, collectif Diamètre, le 71B, Paris, France

2015   Chateau de Beaumanoir
2014   Sang Neuf 2014 Black is Back
2013   TOUS EN VILLE !
2013   Exposition de l’atelier Emmanuel SAULNIER, Beaux Arts de Paris

2012   Exposition de groupe, "Je vous imagine tel que vous êtes”, Galerie Gauche et Droite, Paris.
Exposition de groupe sur la place de la mairie de Dudelange, à Luxembourg, dans le cadre du “Project of street art international lux 2012″.
 

Salons I Art Fair
2020   Art Paris Art Fair, Galerie Faure Beaulieu, Grand Palais, Paris, France.

2019   Galeristes, Galerie Faure Beaulieu, Carreau du Temple, Paris.
2017   YIA Art Fair Brussels, No Mad Galerie, Bruxelles
2016   YIA Art Fair, No Mad Galerie, Paris
2016   YIA Bruxelles 2016, No Mad Galerie, Bruxelles

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